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MADINA


Ces ministres qui ne se trompent jamais

Publié par albra alhambra sur 18 Octobre 2007, 12:36pm

Catégories : #D'ici et D'ailleurs

 
par Abed Charef




Les responsables algériens sont infaillibles.
Du moins, tant qu'ils sont au pouvoir. 


Un ministre algérien peut-il se tromper ? Evidemment non. Il est dans le vrai, jusqu'au jour où il quitte le gouvernement. C'est alors qu'on découvre l'ampleur des dégâts causés à la fois par sa gestion et par sa non gestion. Car les ministres ne se contentent pas de causer du tort au pays par les décisions irrationnelles et contre-productives qu'ils prennent, mais aussi pas les décisions qui s'imposent mais qu'ils ne prennent pas. Celles-ci sont d'ailleurs souvent les plus destructrices. On peut en effet corriger une erreur quand on s'en rend compte. Par contre, il est difficile, voire impossible, de rattraper le temps perdu quand le ministre, ou le haut responsable de manière générale, est plongé dans le confort de la bureaucratie, pour se contenter de gérer les affaires courantes, sans capacité d'anticiper ou d'innover. Chakib Khelil offre une parfaite illustration de ce mode de fonctionnement. Ancré dans ses certitudes, il vogue au gré de la conjoncture, jusqu'à ce qu'il soit démenti par les faits. Ainsi en a-t-il été de son ancienne loi sur les hydrocarbures, qu'il a passé plusieurs années à défendre, pour l'imposer finalement à l'Algérie. Mais à peine la loi était-elle adoptée par le Parlement que la conjoncture internationale se retournait, poussant l'Algérie à faire machine arrière pour revenir à une formule plus traditionnelle.

Cette fois-ci, le ministre récidive, en défendant un terrain qui n'est même pas le sien, celui de la gestion des réserves de change du pays. Il affirme, contre toute évidence, que l'Algérie n'est pas pénalisée par l'érosion du dollar. Le pays ne subit pas de perte du pouvoir d'achat, dit-il sans être contrarié. Ce que l'Algérie perd à cause de la baisse du dollar, est récupéré du fait de la hausse des prix, dit-il. Demi-vérité ou demi-mensonge ? Un simple calcul montre que l'Algérie a énormément perdu à cause de la chute du dollar. Pire encore, elle risque encore de perdre davantage si des innovations ne sont pas introduites dans la gestion des avoirs du pays.

Selon les chiffres avancés par le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, les réserves de change se montaient à 90 milliards de dollars fin juin 2007. Si ces avoirs avaient été convertis en euros au fur et à mesure qu'ils rentraient dans les comptes du pays, lorsque l'euro valait en moyenne 1.20 dollar, l'Algérie détiendrait à juin 2007 des réserves pour un montant de 75 milliards d'euros. Il lui suffirait de les vendre aujourd'hui pour acquérir 105 milliards de dollars ! La simple mauvaise gestion des avoirs du pays a coûté au pays 15 milliards de dollars. Un chiffre énorme qui représente les recettes extérieures du Maroc pour deux années.

Affirmer, dès lors, que la hausse continue du brut met à l'Algérie «à l'abri des fluctuations monétaires», comme le fait Chakib Khelil, est erroné. Dire que le pétrole algérien, le Sahar Blend, de qualité supérieure, offre une protection supplémentaire, est un autre argument erroné. Cela n'empêche pas le ministre de persister dans une argumentation que n'importe quel expert peut aisément démolir.

Chakib Khelil admet qu'il est difficile de prévoir les fluctuations monétaires. De là à dire qu'elles sont «erratiques» constitue un pas que les spécialistes hésitent à franchir. Le métier des économistes est justement de prévoir ces fluctuations, ou au moins d'en prévoir les grandes lignes pour se prémunir contre leur effet dévastateur. Pour le dollar, par exemple, un consensus se dégage actuellement pour affirmer qu'il reste surévalué, et risque donc de glisser davantage dans les prochains mois. C'est ce qu'affirme le directeur général sortant du Fonds monétaire international, Rodrigo Rato. Celui-ci affirmait encore lundi dernier que le dollar restait surévalué, malgré une dépréciation importante subie durant les deux dernières années. Il attend donc une nouvelle glissade du dollar à «moyen terme». En tout état de cause, la gestion des affaires du pays ne peut se faire selon une logique de loterie, en misant tout sur une monnaie. L'usage est de répartir les risques, en variant les placements, pour assurer une stabilité de la valeur des avoirs. Il est en effet préférable de garantir une stabilité à un niveau moyen, plutôt que de miser sur une haute valorisation des avoirs avec les risques que cela comporte. La règle est alors de varier les placements en diverses monnaies, tout en ayant recours aux placements traditionnels, comme l'or. Au moins pour préserver le pouvoir d'achat des réserves.Dans des pays dynamiques, on n'hésite pas à recourir à des placements osés. C'est une pratique devenue courante, de plus en maîtrisée par les pays du Golfe, qui veulent aussi bien entrer dans le capital d'EADS que gérer les ports américains. Mais cela semble évidemment trop ambitieux pour la bureaucratie algérienne. Car cela nécessite des institutions et des structures capables de jouer ce rôle. Elles n'existent pas en Algérie. Il suffit de ce cruel rappel pour s'en rendre compte : l'ancien ministre des Finances Mourad Medelci avait avoué ne pas avoir vu venir l'affaire Khalifa, qui crevait pourtant les yeux. Comment aurait-il dès lors pu voir venir la chute du dollar et la dévalorisation des avoirs du pays ?

Du reste, on ne sait même pas à qui incombe la responsabilité de la gestion des réserves en devises du pays. Au ministre des Finances ? Au président de la République ? Au chef du gouvernement ? Au gouverneur de la Banque centrale ? Dans un système où aucun responsable n'est comptable de ses actes, où personne n'a de comptes à rendre, il serait vain d'attendre de ceux qui gèrent les affaires du pays qu'ils innovent, anticipent, et prennent les décisions qui s'imposent pour anticiper les événements. Et comme ils n'ont pas de contradicteurs, ils peuvent dire à peu près n'importe quoi. C'est ce que fait Chakib Khelil aujourd'hui. Jusqu'au moment où il quittera le gouvernement, et où on découvrira sa gestion erratique.

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