Par: Atlantico le le 25 juin 2012
L'économiste Richard Koo estime que la crise en Europe a commencé avec un plan de sauvetage de l'Allemagne par la Banque centrale européenne, ce qui a notamment permis au pays d'exporter plus facilement ses produits au reste des Etats européens qui s'endettaient pour les acheter.
Et si l'Allemagne était responsable de la crise actuelle de la zone euro ? Pure folie ? Pas selon Richard Koo, économiste au Nomura Research Institute.D'après lui, c'est en fait en partie de la faute de l'Allemagne si l'Espagne, la Grèce, l'Italie, l'Irlande ou encore le Portugal ont des problèmes aujourd'hui. Il explique en effet dans une note publiée en juin queles difficultés de l'Allemagne après la réunification dans les années 1990 et celles suivant l'introduction de la monnaie unique ont crée le climat pour les "booms" qui ont fini par paralyser les économies des pays de la zone euro.
Après l'euphorie de la réunification et à l'aube des bulles technologiques et des télécoms, qui ont particulièrement touché l'Allemagne,les Allemands se sont retrouvés avec des factures considérables et une stagnation de leur économie.Le gouvernement allemand ne pouvait pas fournir une stimulation suffisante ; la limitation à 3% des déficits fixée par le traité de Maastricht l'en interdisait en effet.La Banque centrale européenne s'est alors servie de mesures monétaires particulièrement lâches pour stimuler l'économie, en maintenant notamment des taux d'intérêt très bas.
Richard Koo déclare ainsi : "En 2005, j'ai dit à un haut fonctionnaire de la BCE qu'il était injuste, pour sauver l'Allemagne, d'obliger d'autres pays à renforcer leurs économies avec une politique monétaire lâche, sans pour autant demander à l'Allemagne, qui avait finalement exagéré avec la bulle (technologique), un programme de relance budgétaire. L'employé avait alors répondu que c'est ce que signifiait avoir une monnaie unique : Comme on ne pouvait pas accorder à l'Allemagne une exception sur la relance budgétaire, la seule option restait de relever toute la région avec cette politique monétaire".
Problème :Cette politique de la BCE – garder des taux d'intérêts très bas – a entrainé un boom des investissements mais aussi une bulle immobilière.Les pays périphériques ont alors enregistré des déficits commerciaux importants, comblés par les exportations allemandes, ce qui a d'ailleurs permis à l'Allemagne de se relever du marasme dans lequel elle était.
Richard Koo précise que "les pays du sud de l'Europe, qui n'avaient pas participé à la bulle, pouvaient se vanter d'économies fortes et d'un secteur privé robuste. La politique des taux à 2% de la BCE a donc conduit à une forte croissance de la masse monétaire, qui a à son tour alimenté la croissance économique et les bulles immobilières. Les salaires et les prix ont alors augmenté… laissant ces pays moins compétitifs en comparaison de l'Allemagne. En résumé, La politique de taux très faibles de la BCE a eu peu d'impact en Allemagne, mais elle n'était pas non plus suffisante pour d'autres pays de la zone euro. Et cela a entraîné des taux très différents d'inflation.
Tandis que l'Allemagne devenait très concurrentielle en comparaison des économies de l'Europe du sud, les exportations ont beaucoup augmenté et ont même permis à l'Allemagne de sortir de récession. L'excédent commercial allemand a alors dépassé rapidement celui du Japon et de la Chine pour devenir le premier au monde, la majorité de cette croissance étant stimulée par les exportations vers le marché européen".
Richard Koo soutient donc que l'Allemagne serait à l'origine de la crise actuelle de la zone euro – par l'intermédiaire de la BCE – et même qu'elle aurait bénéficié de cette crise. Il ajoute aussi que le coût salarial unitaire en Allemagne n'a pas augmenté aussi vite que celui d'autres pays de la zone euro (voir graphique sur les coûts du travail dans plusieurs pays de la zone euro) car une politique de faible taux comme celle pratiquée la BCE après l'éclatement de la bulle technologique ne fonctionne pas très bien en récession de bilan, situation que vivait alors l'Allemagne.