Ses établissements sont courus par les stars du ShowBIZ
Mourad Mazouz : un businessman intrépide
Liberté_ Par : Samia Lokmane-Khelil
Il possède trois restaurants à Londres, d’autres à Paris, Dubaï et Beyrouth. À Sketch, une de ses enseignes dans la capitale britannique, officie un chef français qui détient deux étoiles au guide Michelin. Doué pour les affaires, Mourad Mazouz multiplie les succès. Un jour, il pense ouvrir un restaurant en Algérie, un pays dont il parle avec les larmes aux yeux.
On a du mal à croire Mourad Mazouz lorsqu’il se défend d’être quelqu’un d’ambitieux. “Si demain, je perds tout, cela ne me dérangera pas”, avoue-t-il en empruntant un ton détaché. Le restaurateur affiche une mine placide alors que ses propos, ses idées, ses projets transpirent la passion. À 47 ans, il cultive les succès en affaires. En décembre prochain, il ouvrira un nouveau restaurant à Beyrouth, au Liban. Il a déjà trois établissements à Paris, trois autres à Londres et un septième à Dubaï. Il envisage d’acheter une affaire en Turquie et une autre, peut-être un jour, en Algérie. Dès qu’il évoque sa terre natale, Mourad a le regard brouillé par les larmes. “J’ai des branches françaises mais mon tronc est planté dans le sol algérien”, dit-il, en référence à sa double identité. Il retourne de temps en temps au pays pour rendre visite à son père, mais ne réside plus là-bas depuis l’âge de 15 ans. Après une scolarité chaotique, il se rend en Hexagone, d’où est originaire sa maman. Sans qualification. Mourad commence par faire des ménages. Plus tard, il réussit à trouver un emploi dans une agence de communication. Son entrain lui permet de grimper les échelons très vite. En même temps, le projet de monter sa propre affaire germe dans son esprit. “J’ai ouvert mon premier restaurant, le 404, avec l’intention de le revendre deux ans plus tard, prendre l’argent et faire le tour du monde”, raconte Mourad. Il a 26 ans à cette époque et a déjà effectué quelques expéditions qui ont dopé ses ambitions. Un voyage aux États-Unis le marquera tout particulièrement. “Dans ce pays, les gens regardent toujours devant et voient toutes les choses en grand”, observe le restaurateur.
C’est une rencontre amoureuse qui le conduira plus fréquemment à Londres. Sur place, il constate qu’il n’y a pas d’endroit où il peut manger du couscous. Du coup, il décide d’ouvrir un restaurant qui le servira. “C’est aussi simple que cela”, relate Mourad avec cette fausse candeur qui lui colle à la peau. Momo ouvre ses portes en 1997. Aussitôt, il devient le repère des célébrités. La chanteuse Madonna, le top model Naomi Campbell et Stella, la fille de Paul Mac Cartney fréquentent l’établissement et le propulsent parmi les restos les plus en vogue à Londres. “Je n’ai pas fait exprès d’attirer les stars. J’ai eu de la chance”, commente Mourad mollement, avant de préciser sur un ton plus résolu que “la chance, ça se provoque. Il faut prendre des risques et aller de l’avant”. Intuitif, audacieux, doué pour la communication et le marketing, Mourad s’est fait un nom. Pour la confection de ses menus, il admet volontiers avoir surfé sur la vague marocaine. “La cuisine marocaine se vend dans le monde entier”, fait-il remarquer en précisant toutefois que la carte de Momo comporte des plats typiquement algériens comme la h’rira, la chorba et le couscous kabyle, servi avec du petit lait. Selon lui, l’art culinaire algérien nécessite un lifting comme le pays tout entier a besoin que son image soit remodelée, valorisée. La résistance au changement qu’il perçoit en Algérie entrave quelquefois son désir d’y ouvrir un restaurant. “Il y aura toujours quelqu’un qui dira que sa mère ou sa femme cuisine mieux et qu’il n’y qu’une seule façon conventionnelle de préparer tel ou tel plat”, déplore Mourad. De son côté, il sait pertinemment que le couscous par exemple, n’est pas une recette de grand-mère inaltérable. “Les Kabyles ne l’ont pas toujours mangé avec une sauce rouge. Sa composition a changé suite à l’introduction de la tomate en Algérie par les Français en 1895”, remarque le restaurateur.
Comme ses projets, ses menus sont en constante mutation. Il tient aussi à leur donner une image cosmopolite. “Je suis Algérien mais cela ne m’empêche pas d’être ouvert. Je détesté les ghettos. Plus c’est mélangé, plus j’aime”, dit-il. Cinq ans après le lancement de Momo, il ouvre Sketch. Les deux restaurants se trouvent à quelques encablures de Picaddily Circus, les Champs-Élysées de la capitale britannique. À Sketch, Mourad s’offre les services de Pierre Gagnaire, un chef français qui détient deux étoiles au Guide Michelin. Le gastronome concocte un menu raffiné qui catalogue l’établissement parmi les enseignes somptueuses de Londres. C’est à l’intérieur de son palais gourmand que Mourad a choisi de raconter sa success story. L’entretien lui permet de marquer une pause, et de ralentir un petit moment, son rythme de travail effréné. “Si j’arrête de travailler, je me mets à penser. Et ça n’est pas bon”, nous apprend-il, les méninges en cogitation permanente. Il partage ses idées et ses projets avec Mohamed Ourad, son chef exécutif avec lequel il pense ouvrir un restaurant à Alger. “Je ne le ferai pas sans lui”, avertit Mourad.
Les deux hommes sont allés ensemble à Beyrouth pour préparer l’inauguration imminente du prochain établissement. La carte sera un assortiment de mets nord-africains et français. Plus tard, le restaurateur et son collaborateur comptent introduire des plats de la cuisine libanaise dans le menu, une fois qu’ils auront maîtrisé ses rudiments. “Nous sommes toujours en train d’apprendre de nouvelles choses. Cela nous permet d’avancer”, soutient Mourad. Sans prétendre faire de la politique, il pense toutefois que l’Algérie, sur le plan gastronomique du moins, doit se débarrasser des dogmes et s’ouvrir sur le monde. “Le passé représente des fondations qui nous permettent de grandir”, épilogue le restaurateur. Il y a quelques mois, il accompagnait à Alger un critique culinaire du Times. Il lui a montré toutes les potentialités culinaires que son pays recèle et qui pourraient le propulser parmi les plus célèbres destinations gastronomiques dans le monde.