Marcher grâce à... un clou
Une équipe de l'hôpital Shriners de Montréal aide des enfants aux os de verre partout dans le monde
Photo : Abdou Zirat Grâce au clou téléscopique des docteurs François Fassier et Pierre Duval, les jumelles Zirat peuvent maintenant marcher malgré le fait qu’elles sont atteintes d’ostéogenèse imparfaite.
Le Devoir : Louise-Maude Rioux Soucy 16 avril 2010 Science et technologie
Un an à jouer, sauter et courir sans fractures. Pour les petites Kenza et Ghita Zirat atteintes de la maladie des os de verre, c'est un véritable prodige rendu possible grâce à un clou unique de fabrication toute québécoise. Une invention impensable sans la détermination obstinée d'une équipe de l'hôpital Shriners pour enfants, dont les succès font aujourd'hui le tour du monde.
La rencontre a été déterminante pour les Zirat qui vivaient alors au Maroc. «À la naissance des jumelles, nous nous sommes heurtés à l'indifférence et à l'ignorance de la communauté médicale. Heureusement qu'il y avait Internet», raconte leur père, Abdou Zirat. Ses recherches le mèneront jusqu'aux travaux des Drs François Fassier et Pierre Duval, avec qui il prend contact. «Je m'étais dit que s'il fallait les amener jusqu'au Japon, je le ferais.»
Ce sera plutôt à Montréal que les jumelles de cinq ans trouveront les soins dont elles avaient besoin pour vivre enfin une vie normale. Depuis un an, les fillettes trottent et bondissent sans se faire mal, elles qui auparavant cumulaient fracture après fracture, raconte Abdou Zirat. «Le destin a été dur avec nous, mais il s'est rattrapé en nous permettant de rencontrer cette équipe extraordinaire.»
En 20 ans, le Shriners montréalais est devenu le centre de référence pour les enfants atteints d'ostéogenèse imparfaite (OI), un mal incurable qui rend les os extrêmement fragiles. Le Dr Francis Glorieux y a mis au point un traitement médical avec bisphosphonates dans les années 1990. «Ce traitement permet d'épaissir leurs os qui sont comme du cristal pour en faire du verre. Mais il ne faut pas en abuser, sinon on se retrouve avec du marbre et c'est encore pire», explique le Dr Fassier, chirurgien en chef.
La médication n'empêche pas non plus les os courbes ou mal formés de gêner la mobilité. Il faut donc poser des clous pour les redresser. «Mais avec l'ancien clou, nous avions un taux de complications inacceptable de plus de 50 %», raconte le Dr Fassier. Son équipe a donc mis au point un clou, le clou Fassier-Duval, qui s'allonge au fur et à mesure que l'enfant grandit. Ce faisant, le nombre de complications a chuté à 17 %, apprenait-on hier. Mieux, la majorité des patients sont maintenant indépendants à la marche, alors que c'était auparavant l'exception.
Pour cela, il leur a fallu batailler fort. «Je ne cherchais pas à faire des ventes, mais à améliorer le sort de mes patients, explique le Dr Fassier. Plusieurs grosses compagnies ont refusé de nous aider à produire le clou sous prétexte qu'il n'y avait pas de marché. C'est finalement une petite compagnie montréalaise, Pega Médical, qui a osé plonger avec nous.»
Depuis, le clou Fassier-Duval est devenu la norme dans le monde pour les patients atteints d'OI, mais aussi d'autres troubles osseux ou neuromusculaires. «Il y a des gens qui viennent de partout pour se faire soigner ici, c'est bon pour l'ego de notre système de santé», croit le Dr Fassier, qui ne compte plus les pays où il s'est rendu pour faire connaître son traitement. Une aventure à suivre.
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