Où est passée l'identité québécoise dans le discours politique..?
''J'ai dis l'égalité, je n'ai pas dis l'identité'' Victor Hugo.
En aucun moment, au cours des dernières élections provinciales, le projet de loi 195 sur l'identité de Pauline Marois n'a refait surface. Étrangement, aucun parti, même l'ADQ, n'a fait des préoccupations identitaires, soulevées à la Commission Bouchard-Taylor, un enjeu électoral.
Aucun chef de parti n'a pris position sur des sujets qui, il n'y a pas longtemps, dominaient tout l'espace médiatique au Québec: Les accommodements raisonnables, la laïcité, la croix à l'Assemblée Nationale, le nouveau cours d'Éthique et cultures religieuses ou la ''lapidation des femmes'' à Herouxville..!
Au début de novembre dernier, la Ministre de l'immigration Yolande James a inscrit, dans le cadre de sa nouvelle politique d'immigration, un nouveau contrat d'intégration aux nouveaux immigrants qui les engage à apprendre le français et à respecter les valeurs communes du Québec. Contrairement au projet de loi sur l'identité de Pauline Marois, ce nouveau contrat n'a soulevé aucun débat, aucune controverse. Ce nouveau contrat est pourtant étrangement inspiré du projet de loi 195. Aucun mot, aucune réaction n'ont été exprimés par les candidats sur la nouvelle politique d'immigration du gouvernement libéral.
De la crise identitaire, qui a dominé la campagne électorale de mars 2007, le Québec est passé à une crise économique. Est-ce pour autant la fin de l'instrumentalisation des préoccupations identitaires..? Je n'en suis pas sûr. Aucune déclaration de la part de Pauline Marois ne laisse croire que son projet de loi sur l'identité est bel et bien enterré.
Maintenant que Pauline Marois dirige une opposition officielle plus forte et que l'ADQ ne risque plus de jouer avec les préoccupations identitaires, le PQ saura t-il faire preuve 'une plus grande maturité politique au chapitre de l'identité ?
Je suggère aux députés du Parti québécois, comme à tous les nouveaux élus de notre Assemblée Nationale, de ne jamais faire de l'identité québécoise un objet de loi. Mettre l'identité au cœur d'un projet politique, c'est jouer avec le feu. Il suffit de consulter l'histoire pour s'en rendre compte.
La conquête du pouvoir est légitime, mais instrumentaliser des réoccupations identitaires pour y arriver c'est gravement dangereux. En mettant l'accent sur l'apprentissage du français du nouvel arrivant, tout projet de loi sur l'identité réduit une question de citoyenneté à une affaire d'identité.
Pour un mieux vivre ensemble, le concept de citoyenneté s'est élargi au cours de l'histoire en incluant des réalités politiques, sociales, économiques et écologiques. Dans le contexte québécois, un projet de citoyenneté devrait tenir compte de ces facteurs dans un esprit rassembleur qui donne priorité à l'égalité des chances.
Oui, le français est au cœur de l'identité québécoise, mais comme dirait Amine Maalouf, ''l'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l'existence''. Cela va sans dire aussi bien sur le plan personnel que collectif. Le français d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier. Il a pris des couleurs nouvelles, des accents plus variés et des tournures qui reflètent un imaginaire collectif plus riche. La langue est la même, mais le langage est en permanente évolution.
C'est moins la perte du français qui inquiète certains québécois, dits de souche, que l'avènement de langages différents portés par des cultures différentes. Ainsi, la jeune fille née ici mais de parents libanais, bien qu'elle parle un français bien ''de chez-nous'', elle participe, mine de rien, à une transformation du langage en concert avec des milliers d'autres enfants d'immigrants.
Dans son livre '' Je nous et les autres, être humain au-delà des appartenances'' (Aux éditions Le Pommier), François Laplantine avance que '' L'identité "propre" conçue comme propriété d'un groupe exclusif serait inertie, car n'être que soi-même, identique à ce que l'on était hier, immuable et immobile, c'est n'être pas, ou plutôt n'être plus, c'est-à-dire mort''. Maalouf appellerait cela une identité meurtrière.
Par ailleurs, plusieurs études démontrent que depuis les 25 dernières années les immigrants du Québec s'intègrent plus facilement et cela malgré le chômage qui les touche ici plus que partout ailleurs au Canada (27% de chômage dans la communauté maghrébine!!).
Je crains que le Parti québécois, qui est à l'origine de la déconfessionnalisation du système scolaire, ne débarque du train que lui-même a fait avancer en misant de nouveau sur l'inertie par son projet de loi sur l'identité. Je lui suggère de concentrer ses efforts sur la conception d'une charte de la laïcité made in Québec. Le Québec en sortira grandi.
Le défi qui attend les nouveaux élus c'est de redonner aux québécois, dont les 43% d'abstentionnistes, le goût de la politique avec des projets rassembleurs. Et pourquoi pas avec la collaboration de Québec solidaire dont je salue grandement l'entrée à l'Assemblée Nationale.
Mohamed Lotfi
Journaliste et réalisateur radio